mardi 19 avril 2011

Bob Dylan - Nashville Skyline ou "Comment faire de la musique country quand tout le monde attend des chants révolutionnaires"


D’une certaine manière, cet album de Dylan est l’un de ceux qui caractérisent à la fois le mieux et le moins bien la carrière du troubadour maigrichon. A la fois rempli d’affronts, de contradictions et d’oppositions diverses, il ressort de cet album un ensemble pour le moins étonnant, tout en étant rassurant, qui constitue un nouveau virage dans la carrière de Bob Dylan, virage déjà amorcé par le précédent John Wesley Harding. Ce qui selon moi reste le plus marquant dans ces 27 minutes, c’est cette couleur automnale,  cette lumière crépusculaire et chaleureuse qui semble rayonner tout au long des morceaux qui composent l’album. Mais venons-en au fait.

Ce qui me choque dans un opus sorti qui plus est à un moment charnière de l’histoire des Etats-Unis, en 1969, peu de temps après la mort du père Luther King et du frère Kennedy, les mangeurs de burgers étant alors en plein conflit gastronomique avec les mangeurs de nems, et Dylan alors considéré et attendu comme le Sauveur, pensez qu’à cette époque là les gens et même les américains n’avaient pas l’internet et se sentaient donc encore un peu concernés par ce qu’il se passait là dehors, à leur porte… ah les nuls… Bref, ce qui me choque disais-je donc, c’est que c’est dans ce contexte plutôt agité que Bob choisit une nouvelle fois de prendre tout le monde à contre pied, comme il en a l’habitude mais jamais comme on s’y attend. C’est au moment où la tension est à son maximum, où ses chants passés ont le plus de signification, que Zimmerman nous pond ce qui est probablement l’un de ses album les plus personnel et simples. Ici, nulle révolte, si ce n’est amoureuse (encore que…), pas de chant fédérateur et plein d’espoir, aucun hymne à une possible révolution, Bobby nous montre ce qu’il se crève à répéter de la plus belle des manières : il n’est qu’un chanteur/compositeur qui fait son métier et écrit des chansons pour divertir son audience. Et comme pour accentuer cette déclaration, Dylan chante… oui… il chante ! Finies les railleries et les bêlements incontrôlés. Dylan prend ici une voix douce et touchante, quoi qu’encore peu maîtrisée parfois ; on ne change pas un homme. Pour se justifier et prétendre une nouvelle fois qu’il n’est jamais maître de la situation, il attribuera ce changement  à une pause dans son régime de cigarettes de l’époque. Cette voix s’accompagne, qui plus est, d’arrangements country tout aussi doux qu’impromptus, qui nous charment et nous envoûtent. Dylan prouve ici qu’il est l’un des meilleurs, sinon LE meilleur de sa génération,  en enchaînant les ballades chaleureuses et simples, des chansons sans but mais qui ne nous font pas nous sentir mièvres ou honteux.

L’album commence par une reprise de "Girl From The North Country" du Freewheelin’ de Bobby sûrement pour nous indiquer de lâcher du mou et de nous laisser aller. J’ai pour ma part toujours aimé la version originale, je trouve cependant cette version en duo avec l’homme en noir, Johnny Cash, alias Joe l’Indien qui passait par là dans les derniers jours de février 69, lors des dernières journées d’enregistrement de l’album,  je trouve cette version touchante donc, même si elle reste franchement bancale. Elle sera d’ailleurs la seule piste en duo retenue par les deux hommes après de nombreux essais jugés infructueux sur différentes chansons telles que "Ring Of Fire" de Cash himself ou "Don’t Think Twice, It’s Alright" du même Freewheelin’ de Dylan. 

On pourrait alors s’attendre à un album romantico-miéleux mais on déchante vite avec l’instrumental country "Nashville Skyline Rag" et son harmonica railleur qui suivent. Ici, les musiciens se font clairement plaisir. Chacun y va de son petit solo et l’histoire ne retiendra probablement rien de ce titre. Il permet cependant de confirmer que Dylan n’a l’intention de ne satisfaire personne d’autre que lui-même. On est donc en plein dans le « je m’en foutisme » caractéristique du troubadour à la peau pâle et de son attitude lors de ses performances live. Il n’a d’ailleurs donné pour seule instruction aux musiciens de la totalité des sessions d’enregistrement de l’album que celle de le suivre sur un morceau et de remplir l’espace derrière lui, ce qu’il s’était déjà plus ou moins contenté de faire jusqu’alors. Toutefois, les sessions sont pour le coup plutôt décontractées et sans grande ambition et c’est ce qui va permettre à la magie d’opérer.

"Lay Lady Lay" est sûrement le titre le plus populaire et ayant connu le plus grand succès de cet album. Pour ma part, j’attache une affection toute particulière au "Tell Me That It Isn’t True", l’aveu de faiblesse d’un homme face à sa femme et aux rumeurs qu’elle provoque, ou encore la bluesy "Peggy Day" et le finish pour le moins dylanien qu’est "Tonight I’ll Be Staying Here". Cet opus est toutefois à écouter sans retenue dans son ensemble et ce qui porte selon moi la marque des grands disques : le fait qu’il soit difficile de les considérer autrement que dans leur totalité.

Qu’on se le dise, ce Nashville Skyline et sa pochette, un Dylan cowboy (ou rabbin, à vous de voir) qui nous toise de haut en arborant un large sourire sur son visage, nous éclairent sur ce qui nous attend là : du plaisir simple et sans prise de tête, un message de celui qui a toujours une longueur d’avance sur les autres à ces auditeurs de l’époque, peut-être. Le bougre sait qu’il vient de pondre là une nouvelle œuvre dont on parlera encore un moment et il en à l’air franchement content. En écoutant vous comprendrez, peut-être… c’est tout ce que je vous souhaite. 


J

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