lundi 4 juillet 2011

Led Zeppelin - Led Zeppelin II ou "Comment assurer la succession des Beatles et de Jimi Hendrix"



Moins d’un an après l’enregistrement de son premier opus, Led Zeppelin, le super groupe enregistre un monument du rock&roll alors même qu’il est en pleine tournée. En l’espace de quelques mois, il a obtenu avec son premier album un succès mondial et a déjà entamé une tournée majeure aux Etats-Unis et en Europe. Le rock&roll bat son plein, Hendrix vit encore (pour quelques temps seulements…) et la mode est au son lourd et aux riffs furieux. C’est dans cette optique que le super groupe Led Zeppelin s’est créé. Je dis bien « créé » et non pas conçu ou quoi que ce soit d’autre parce qu’il ne s’agit pas là d’un groupe d’amis découvert dans une cave lugubre de Liverpool ou d’ailleurs mais de l’envie de deux musiciens de studios géniaux de créer quelque chose qui leur serait propre, un son nouveau.

Ces deux musiciens ne sont autres que John Paul Jones, le bassiste et Jimmy Page. Ce dernier joue alors dans un groupe de Rhythm & Blues anglais baptisé les Yardbirds où il remplace le guitariste sortant, un certain Eric Clapton, et duquel il sera lui-même remplacé par Jeff Beck. Page et Jones se connaissent de l’époque où ils étaient de simples musiciens de studio. Page est alors un des guitaristes les plus talentueux de son époque. Il apporte sa contribution sur des enregistrements des Beatles, des Stones et de bien d’autres, mais il a envie de quelque chose de nouveau. Il rejoint son compère bassiste et tous deux se mettent en quête de trouver un chanteur blues et un batteur qui tiennent la route parmi leurs nombreuses relations. C’est chose faite avec Robert Plant et John « Bonzo » Bonham. Le super groupe est lancé…

Après un premier opus tranchant mais peut être un peu trop lourd, le groupe s’est rodé et compose à tour de bras sur la route, enregistrant entre deux concerts ce qui reste un monument du rock.



Alors là mes amis, accrochez vous parce que ça démarre fort. On attaque avec le mythique "Whole Lotta Love". On entend Robert Plant glousser légèrement puis la guitare, puissante, rauque, saturée d’une fureur de feu entre en trombe relayée ensuite par la basse lourde et claquante. Les deux lignes sont quasi identiques et vont former une base solide sur laquelle Plant va pouvoir rugir et miauler à merveille. On entend déjà la caisse claire vibrer sous les vagues de son produites par le reste de la clique puis Bonham vient s’imposer et entre dans la danse. C’est fort, c’est clair et ça vibre d’une énergie hors norme jusqu’au break. La batterie garde le tempo puis des tam-tams résonnent, un bruit de va et vient et la voix de Plant nous perdent dans un brouillard psychédélique jusqu’à ce que la batterie décide que la récréation est terminée. John Bonham assène des coups violents à sa caisse claire, laisse place à un mini solo de guitare et on repart à tout allure avec le thème principal. Les rôles sont ici parfaitement répartis. Il est difficile de trouver un réel leader. Chaque musicien apporte sa part incroyable de personnalité pour former un tout unique. Plant vient calmer le jeu sur le titre suivant. "What Is And What Should Never Be" part sur un blues tranquille. Une guitare claire, une basse groovy et une batterie légère comme la brise accompagne un Plant décontracté et envoutant jusqu’au break encore une fois marqué par les coups sec et cassants de Bonham à la batterie. On part là sur un refrain purement rock&roll avec une guitare saturée beaucoup plus agressive, une rythmique beaucoup plus dure avant que le tout ne se calme à nouveau et reparte sur ce blues envoutant du début. Les nuances sont maîtrisées à merveille ici et on assiste à un véritable tour de force dans le monde du rock&roll. Un nouveau break marque le début d’un solo délicat à la guitare, qui se conclut sur la structure du refrain plus rock qui va laisser place à nouveau à un Robert Plant au plus haut. On croit aller tranquillement jusqu’à la fin du morceau en suivant cette structure, mais après un dernier refrain, une belle surprise nous attend… Alors qu’on s’attend à repartir vers un couplet comme ce fut le cas auparavant, on a droit à une guitare saturée et agressive marquant un thème saccadé. Un gong retentit, la basse entre, la batterie repart en même temps que le chant sur un nouveau thème saccadé qui va conclure ce "What Is And What Should Never Be" d’une bien belle manière.

La pause offerte par ce morceau est de courte durée puisque la suite est rock&roll mes amis. Alors, encore une fois, accrochez vous bien. "Lemon Song" donne le ton d’entrée avec une guitare chaude comme le bitume du soleil de feu du désert du Nevada… La section rythmique fait son entrée suivie de près par Plant. On est encore sur un morceau à la structure blues, cette fois clairement mené par Page et sa guitare vrombissante et miaulant avant que la batterie ne frappe ses habituels coups secs annonçant la décadence du break qui suit. Là, tout s’accélère, on part sur un rythme plus binaire et la guitare nous griffe habilement de son son meurtri. Elle part ensuite dans un solo infernal qui nous mène droit sur un cri de Robert Plant ramenant le calme et l’ordre du début, apaisant ses troupes pour prendre le relai. La basse le soutient, maîtresse de son destin et de celui des autres, reliant à merveilles les embardées rythmiques de Bonzo aux libertés prises par le chant.  Celui-ci laisse à nouveau place à un solo de guitare blues du meilleur goût. Puis on repart comme des dingues sur ce pont démoniaque avant que Plant ne mette fin à cette chanson acidulée et complètement bardée.
Le rythme redescend un peu sur la ballade suivante. "Thank You" est magnifiquement mené par les orgues et la basse de John Paul Jones. On perd un peu le son de Led Zeppelin ici pour être honnête, surtout avec ce refrain à plusieurs voix mais on a une ballade épique démontrant le talent du bassiste souvent méconnu et laissé pour compte alors qu’il n’y a pas de raisons ! Je ne sais pas vous, mais moi quand j’entends des sons d’orgues pareils à ceux de ce "Thank You", j’ai qu’une hâte, c’est que Joe Cocker arrive, empestant le whisky et prenne le micro des mains de Plant pour beugler son "With a Little Help From My Friend" qui en viendrait presque à faire oublier à Mc Cartney et Lennon qu’ils ont composé ce titre à la base…


Dieu merci, les jérémiades s’arrêtent là et refont place aux hommes qui nous avaient fait démarrer ce Led Zeppelin II en trombe. Fini les chansons à l’eau de rose, on repart sur du rock animal avec ce "Heartbreacker" au son chaud et suave. Le rythme est enivrant et la guitare imperturbable alors que Robert Plant met le feu comme jamais. La jeunesse prend le pouvoir ici et semble intouchable jusqu’à ce solo surprenant qui place Jimmy Page en orbite loin de ses concurrents pour tout ceux qui en doutaient encore. Ce n’est pas tant son habileté technique qui surprend mais ses changements de registre et ce son incroyable, hors du commun qui vous prend aux tripes et s’agrippe sans jamais lâcher prise. Le finish de la chanson est à couper le souffle et on a à peine le temps de le reprendre qu’on repart sur les chapeaux de roues sur "Living Loving Maid (She’s Just a Woman)" et ses guitares miaulant comme une chatte en chaleur enfermée dans une véranda un soir de juin… autant vous dire que c’est chaud. Plant semble avoir encore monté d’un cran là où on le croyait au maximum et Bonzo Bonham est inlassable. C’est une machine sans répit de laquelle aucune batterie actuelle n’oserait s’approcher sans un délégué syndical…


Les joyeux drilles sont frappés d’une frénésie quasi incontrôlable depuis quelques titres et ne comptent pas s’arrêter là. "Ramble On" et sa guitare acoustique semblent venus chatouiller nos oreilles fumantes des enfers sonores si chauds mais si bons dans lesquels elles ont bouillonné depuis 20 minutes… La basse vient nous caresser le creux du dos puis Plant nous susurrer quelques mots doux avant un pont magique annonçant la fureur à venir et ses contre-temps violents. Puis, on repart comme si de rien n’était dans la douceur des couplets. La structure de l’ensemble des chansons de cet album se compose souvent de différents paliers qui se succèdent et correspondent à autant de nuances différentes. A cela s’ajoute la finesse du son bien sûr malgré sa puissance, mais aussi des arrangements où l’on retrouve le génie du musicien de studio qu’était Page avant cela.

Un roulement de caisse claire introduit le riff saccadé à la guitare et à la basse de "Moby Dick". On est là encore sur la structure d’un blues revisité façon Page puis tout se calme et fait place à un solo de Bonzo à la batterie qui s’éternise un poil et qui n’est probablement compréhensible que pour une personne ayant les narines assez larges pour absorber la même quantité de poudre que John Bonham à cette époque…  En tout cas, ce morceau fait taire les détracteurs du super groupe qui leur reprochaient de faire du commercial. Un morceau de 3 minutes comportant 2 minutes d’un solo de batterie peut difficilement être considéré comme un tube.

L’album se termine sur un pur blues blue grass, harmonica à la clef. Plant vient beugler quelques paroles tout en soufflant dans son harmonica alors que la guitare reste immuable. "Bring It On Home" nous entraîne sur des sentiers surréalistes et assez effrayants jusqu’à l’arrivée de la guitare saturée et du reste du groupe. On retrouve le Led Zeppelin qu’on avait quitté deux titres auparavant et qui finit cet album en rendant hommage au blues souverain sur lequel s’est fondé leur style.

Led Zeppelin II est un chef d’œuvre marquant la fin des années 60 et le début du futur et des 70s. Une énergie hors du commun marque de son sceau ce disque sans pour autant gâcher sa qualité sonore et technique. Ca sent le métal rouillé par la sueur tout en étant subtil et agréable. On assiste à la symbiose naissante d’un groupe qui vient de conquérir le monde et ne se connaît pas encore assez pour se quereller… Les Beatles viennent de se séparer, Hendrix et Morrison ne vont pas tarder à y passer… Led Zeppelin va clairement assurer la relève.

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