lundi 25 juillet 2011

Syd Matters - Ghost Days, ou "Comment la France est-elle encore capable de produire autre chose que des produits de terroir"


Pour ceux qui, comme moi, ont eu la chance d’être nés dans ce magnifique pays qu’est la France, et qui ont ainsi eu l’immense privilège d’être bercés par des chansons de Michel Sardou, Maurice Benguigui ou autres Serge Lama qui nous ont tant fait saigner les oreilles et nous ont donné envie de vomir, la musique française est sûrement une cause perdue. Alors bien sûr on pourra citer des monuments que sont les Jean-Michel Jarre, Emile et Images ou encore Laurie mais on s’aperçoit vite que dans le paysage pop en France, il vaut mieux être sourd que d’entendre ça. On aura ainsi la joie indicible de voir un Obispo parler de créativité (si si je vous jure…) ou un Johnny Halliday nous prendre aux tripes avec ses textes engagés. Cependant, en prenant un tant soit peu de recul, on constate vite et amèrement, que ces musiques nous sont presque imposées par le dictat du circuit dit « commercial », par les radios dites « populaires » et toutes ces entreprises qui prétendent donner aux gens ce qu’ils attendent quand en fait, on leur marque les oreilles au fer rouges dés la naissance et on les abreuve d’une boue insalubre jusqu’au vomissement cérébral intégral et à la lobotomie intellectuelle. Le but de tout cela  est assez simple : il s’agit de vendre, de vendre en masse à des prix en constante évolution et pour cela, il vaut mieux pour eux qu’on ait le quotient intellectuel d’une brebis plutôt que de se rendre compte qu’Hélène Ségara ne sait en fait pas chanter ! Il n’y a donc aucune différence entre le dernier CD de Mylène Farmer et un produit laitier quelconque encore que ce dernier est relativement utile et ne vous donnera une diarrhée aigüe qu’au-delà de sa date de péremption.

Mes chers amis, mes lecteurs, mes chéris, il existe une solution. Pire ! Cette solution est même disponible en France et ne nécessite pas que vous vous coupiez les oreilles! Le circuit indépendant n’est lui sous le joug d’aucune entreprise malfaisante. Du coup il dispose de revenus réduits ne lui permettant pas d’imposer aux autres ce qu’on peut tranquillement découvrir tout seul. Syd Matters fait partie de ceux qui travaillent dans l’ombre. Lentement, tranquillement ils affinent, polissent, créent une musique originale, fraiche, intelligente et magnifique. Après deux albums et une musique de film, ils reviennent, en 2008, avec Ghost Days, qui est pour moi, un pur chef d’œuvre.


Un riff de guitare acoustique, répétitif, lent et presque fatidique retentit. Il est rattrapé par un clavier puis plusieurs voix à l’unisson. Parmi celles-ci, celle de Jonathan Morali domine sur un thème triste et d’une simplicité à toute épreuve. Une deuxième guitare s’ajoute au tout et nous fait languir de la suite imminente. Les accords changent et une lueur d’espoir apparaît avant de ne retomber semble-t-il, dans l’immuabilité musicale du départ. Pourtant la basse fait son entrée accompagnée d’une rythmique subtile à la batterie et le morceau semble lancé. Les voix se détachent petit à petit et s’harmonisent enfin dans un ensemble sublime. Une accalmie vient se poser là comme une respiration, puis on repart dans une embardée musicale qui annonce ce qui va suivre dans les titres suivants. On monte petit à petit en puissance, des instruments s’ajoutent, des sons de toutes parts semblent surgir de nulle part et forment un tout prenant et enivrant. L’apothéose est atteinte une nouvelle fois sur un refrain salvateur. "Everything Else" lance ce Ghost Days sur les chapeaux de roues et place la barre très haut.

"I Was Asleep" va l’abaisser légèrement. Un thème qui semble vaciller entre deux tonalités débute sur un son complètement différent dû à la présence maîtresse du piano. Les voix se mêlent pourtant à merveille et le thème part bien. Le morceau est varié et les différentes parties s’agrémentent de nouveaux arrangements au fur et à mesure. Le tout s’enchaîne à merveille, mais ce balancement entre deux tonalités étrange et dérangeant altère quelque peu la qualité à laquelle nous avions eu droit auparavant. Le morceau se finit un peu en queue de poisson et enchaîne directement sur "Ill Jackson". On retrouve ce son acoustique si particulier qui fait la force de cet album et la voix de Morali. Ce dernier est seul avec sa guitare et semble une nouvelle fois calmer l’exubérance musicale qui assiège l’album petit à petit. Les accords et la mélodie sont emplis d’une mélancolie magnifique vite rattrapée par des arpèges rapides agrémentés d’un clavier et d’un changement de son. La chanson est lancée. Calmement, le morceau grandit, prend de l’ampleur et déploie son voile de mélancolie sur nos oreilles émerveillées. Les voix refont leur apparition dans un semblant de refrain puis un break est fait à nouveau. La guitare acoustique et son son étincelant brille de mille feux. Le morceau tangue et semble n’aller vraiment nulle part. Il est une réelle réflexion, perturbée et trouble, parfois incohérente qui passe un nouveau stade dans le domaine des arrangements et du son. On assiste à quelque chose de très grand et on passe même au grandiose lors d’un mini hommage au "Shine On you Crazy Diamond" de Pink Floyd dans un mini refrain magique (shame on you crazy Jackson). L’électrique lourd et l’acoustique léger s’affronte et se mêle dans une étreinte belle et complexe.


L’acoustique prend le dessus dans le morceau suivant qui constitue pour moi, un monument de la musique moderne. On part sur un nouveau riff de guitare acoustique, complexe et simple à la fois, juste magnifique. On est dans quelque chose de plus léger, d’agréable, de piquant. Là encore, un clavier discret vient s’ajouter et le morceau déploie tranquillement ses ailes et sa structure. On commence à se sentir vraiment bien à l’apparition des voix supplémentaires. On a droit à un nouveau break assez long qui s’avère être en fait un peu plus que ça. Cet album regorge d’idées musicales d’une grande qualité à tel point que nous avons parfois droit à une chanson dans la chanson pour les amateurs de Cristopher Nolan… Une chanson s’emboîte dans la chanson déjà lancée. On change de thème, d’arrangements mais le tout s’enchaîne à merveille. La fin de "It’s A Nickname" en est la parfaite illustration. Elle vient comme une caresse se poser sur la chanson qu’on a depuis le début et constitue une réelle apothéose à un titre qui semblait presque anodin et sans défense. Nous avons droit à de la grande musique et alors que le morceau s’éteint doucement et qu’on pense avoir vécu LE grand moment de l’album, Syd Matters va passer la vitesse suivante.


Des arpèges rapides et descendants nous prennent de volée. Un souffle régulier et une note répétée assurent la rythmique de "My Lover’s On The Pier". La beauté de cette chanson nous frappe en pleine face et nous transporte dans un autre monde. Le terme de « ballade » prend ici un tout autre sens, une dimension nouvelle et on atteint un niveau vertigineux. Nos pieds sont bien loin de cette terre qui nous est chère et les nuages ne sont que des souvenirs. Là encore, on a droit à une chanson dans la chanson encore plus douce, encore plus belle qui nous transporte encore plus loin. Il sera difficile de revenir indemne de cette musique bouleversante. On est touché en plein cœur par une beauté et une simplicité sans commune mesure. Le tout monte en puissance depuis le début puis on retombe sur le thème initial et tout se calme enfin.

"Cloudflakes" démarre sur des notes dissonantes qui annoncent un titre plus léger.  Les voix déjà harmonisées entonnent un thème brillant qui défile sur des accords magnifiques. Une guitare acoustique, toujours, gratte inlassablement les accords soutenus par quelques claviers laissant ainsi la part belle aux voix magnifiques. Cette chanson est rafraîchissante après les paysages complexes et les émotions diverses que nous avons traversés. C’est dans ce même esprit que "After All These Years" nous aborde. On a droit au retour de la guitare électrique ici et de la basse. Le thème est joué à l’unisson par les deux guitares ensuite complété par une rythmique solide. La mélodie est une nouvelle fois magique et brillamment interprétée par Morali puis ses acolytes. Les nuances s’enchaînent à merveille et nous mènent à travers ce titre léger mais efficace aux sonorités plus rock. Ces deux titres nous permettent donc de retrouver calmement nos esprits avant le nouveau ras de marée qui arrive…

"Louise" démarre sobrement sur des arpèges simples et la voix désarmante de Morali. Les harmonies sont belles et lugubres. Le son des violons grinçant derrières sont comme des nuages menaçant présageant un orage imminent. Le piano et la basse font leur entrée et les violons cessent de geindre. La pluie commence à tomber. Les voix se veulent plus pressantes et les harmonies plus étendues. Une accalmie apparaît, puis tout s’accélère. Le vent se fait plus violent, la pluie a cessé puis c’est l’explosion. Doux et violent à la fois, l’orage nous frappe en plein cœur. Il gagne en puissance, ces basses lourdes nous prennent les tripes, les gouttes épaisses s’applatissent sur notre visage puis tout se calme à nouveau. Tout est allé très vite et c’est déjà fini. Pourtant, là encore, rien ne sera plus jamais pareil. "Big Moon" vient poser une main pleine de compassion sur notre épaule et nous indiquer qu’il faut continuer, que ce n’est pas encore fini. Après une introduction étrange, les arpèges démarrent réellement et sont rejoins par la voix. Le soleil fait son apparition mais il ne parvient pas à réchauffer complètement notre âme endeuillée avant l’entrée des claviers. Les acteurs vont alterner les différentes nuances avant la fin à nouveau différente. On a droit à un nouveau thème, un piano fait son entrée et la chanson prend un dernier tournant fatal.


Mais alors que tout semble perdu et que nous nous sommes lentement mais sûrement engouffrés dans des vicissitudes sans fin, "Anytime Now !" reprend  le flambeau et nous ramène à la réalité. Un rythme répétitif et un thème vivifiant nous frappent de plein fouet. Une claque vivifiante. Les instruments martèlent la rythmique avec vigueur et nous apportent la bouffée d’air frais dont on avait besoin et alors que le souffle nous revient, "Me And My Horses" finit de nous redonner espoir. On a là encore une rythmique martelée par les instruments, mais ceux-ci sont purement acoustiques cette fois. Le son est surprenant et magnifique. Les sonorités envoutantes sont ensuite menées par le ronronnement de la basse et des voix qui commencent une fois de plus par se séparer et s’harmoniser à merveille. Puis une nouvelle fois, la chanson prend une nouvelle direction et un retour en arrière s’avère impossible. Le nouveau thème s’harmonise progressivement d’arrangements de cordes chauds et brillants et on monte en puissance peu à peu. La fin de Ghost Days semble désormais inéluctable. La voix s’est effacée au profit des instruments et ceux-ci vont mener la danse jusqu’au bout maintenant, malgré le retour de Morali et de ses compagnons, au loin. "Nobody Told Me" clôt cet album en douceur et en beauté.

Ghost Days est donc un chef d’œuvre, un disque à classer parmi les plus grands. Le travail individuel et collectif des membres de Syd Matters est incroyable et il n’y a qu’à aller les voir en live pour s’en rendre compte. Je me rappellerai toujours la première fois que je les ai vus. Je ne savais pas bien qui ils étaient, j’avais juste écouté 2 ou 3 chansons et ça avait déjà suffit à me convaincre. La salle ne comptait pas plus d’une centaine de personnes et lorsque le groupe est entré en scène, personne n’y prêtait réellement attention. Il aura fallu que les 5 membres commencent à chanter a capella, loin derrière les micros pour que la salle soit frappée d’une stupeur soudaine dont les effets ont commencé à se dissiper quelques heures après ce concert mythique… 

J

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